J'ai
toujours été persuadée que j'adorais voyager. C'était une certitude que
j'avais ancrée au plus profond de moi. Et mon plus grand regret a
longtemps été de ne pas être une grande voyageuse.
Nous
ne partions pas en vacances avec mes parents. Mon père était marin de
commerce, et je crois que mettre de l'argent de côté pour partir en
vacances ne faisait pas partie de leurs planifications. Nous avons fait
quelques "déplacements", en famille, en France, mais cela fut
exceptionnel. Par contre, mes frères et soeurs et moi ne rations aucun
voyage scolaire.
L'été
de l'obtention de mon bac, j'ai eu l'opportunité de partir comme jeune
fille au pair à Brighton, en Angleterre. C'est un ancien professeur
d'anglais qui m'avait trouvé une place. Mes parents s'y sont opposés.
Deux ans plus tard, j'ai été invitée par la famille d'une amie à les
accompagner pendant leur voyage en Turquie. L'acceptation fut compliquée
pour mes parents, mais j'ai pu connaître mon premier Grand Voyage.
A
21 ans, j'avais donc, très sommairement, connu l'Espagne, l'Italie et
la Turquie. Dix ans plus tard, avec mon mari, nous avons passé notre
voyage de noces en Irlande, que nous avons fait découvrir en 2013 à nos
enfants et mes parents. Puis, l'année de mes 40 ans, je me suis offert
cinq jours à New York (le rêve de ma vie).
Cela
ne reflète pas une vie de grande baroudeuse et, jusqu'à il n'y a pas
très longtemps, je me sentais encore extrêmement frustrée de ne pas
voyager davantage. L'avènement d'Instagram (dont je suis une grande
utilisatrice) y contribue certainement, car les blogs de voyageurs y
fleurissent, et l'incompréhension de ne pas pouvoir NOUS AUSSI mener
notre road-trip en van dans le Montana ou en SUV de location en Islande
me désarmait parfois.
Puis,
cet hiver, nous avons eu la chance d'avoir un généreux cadeau financier
de la part de ma belle-mère. Avec cette somme, nous avons décidé de
nous offrir Londres et les studios Harry Potter, par l'intermédiaire
d'un pack de la Brittany Ferries. Nous sommes partis quelques jours avant la rentrée.
Là,
tout de suite, j'ai envie d'écrire que j'ai changé de paradigme. Mais
je trouve ça quand même un peu fort, alors je vais nuancer mon propos.
Plusieurs éléments ont troublé ce voyage.
Mon
mari refuse de prendre l'avion, c'est une phobie. Nous avons donc
rejoint Ouistreham en voiture, puis nous avons fait la traversée jusqu'à
Portsmouth. Là, nous avons pris le car jusqu'à Londres où nous avions
notre hôtel. Idem pour le retour. C'est éprouvant, tous ces kilomètres.
Mais cela a l'avantage de remettre une juste distance. Non, Londres ce
n'est pas la porte à côté.
Quand
on passe trois jours à Londres, il faut "profiter". Pas de temps mort.
On marche, on prend le métro. On rentre le soir à son hôtel, harassé et
crasseux, avec les oreilles qui bourdonnent et un mal de chien à se
recentrer. Mais c'est pas grave, on a "profité". C'était "bien".
Nous
nous sommes joyeusement assis sur nos efforts de consommation
responsable. Non, non, la carte bleue n'a pas chauffé déraisonnablement.
Et nous avions attribué un budget aux enfants en les mettant en garde
contre les cochonneries. Non, ce qui m'a choqué, c'est le nombre de
déchets que nous avons généré pendant ces cinq jours. Nous avons été
grands consommateurs de street food, notamment le midi et lors des
collations; et le soir, j'ai quand même remarqué que le jetable est
érigé en religion dans beaucoup de restaurants.
Enfin,
nous avons été fatigués, et paradoxalement pas forcément des parents
bienveillants avec nos deux enfants. Nous les avons speedés, souvent
houspillés et parfois sermonnés devant leur manque d'implication dans ce
voyage. En fait, des fois, ils n'en n'avaient rien à faire.
Samedi,
j'étais ravie de retrouver mon Home sweet home, et mon cadet aussi. Il
me l'a dit. Je ne me suis jamais sentie à l'aise dans la position de
"touriste". J'ai toujours eu l'impression d'être un prédateur, et
souvent ces séjours me font changer de comportement : on mange mal, on
consomme trop, on ne dort pas assez, on devient désagréable (et parfois
on s'habille mal parce qu'on n'a pas ce qu'il faut dans la valise-_-).
Les dernières expériences que j'ai eu, dans trois grandes villes de pays
développés (Cork, New York et Londres) n'ont pas fait de moi quelqu'un
de meilleur. Je dirais même que je me suis moins bien tenue à l'étranger
que chez moi. Elles n'ont pas fait de moi quelqu'un de différent, j'ai
juste rapporté de belles images.
Je
suis atterrée. Je ne dis pas que je ne partirai plus. Mais mon envie de
voyage en a prit un gros coup. Je ne m'explique pas cela, j'avais
vraiment le sentiment d'avoir cette envie chevillée au corps.
Ma réflexion sur ce sujet n'est pas terminée. J'y reviendrai un jour très certainement.
Bien à toi.